Abandon des études, rupture d'apprentissage...
Quelles actions pour prévenir le décrochage dans l'enseignement professionnel ?
Les jeunes non diplômés sont souvent relégués aux marges de l'emploi en début de vie active. Éviter les sorties prématurées du système éducatif demeure un objectif des pouvoirs publics. En instaurant l'obligation de formation jusqu'à 18 ans, la loi pour une École de la confiance, promulguée fin juillet, entend y contribuer.
La voie professionnelle est particulièrement exposée au risque de décrochage. Celui-ci y prend des formes différentes selon la filière, enseignement professionnel en lycée ou apprentissage. Les résultats d'une enquête publiée dans ce nouveau Céreq Bref montrent que les différences de statuts - scolaire pour les élèves de lycée professionnel, salarié pour les apprentis - conditionnent la conception-même du décrochage. Ces deux conceptions permettent alors d'identifier plus finement des leviers de prévention.
En lycée professionnel : lutter contre l'absentéisme
En lycée professionnel, le décrochage est vu comme l'aboutissement d'un processus d'absentéisme. La priorité est donc de maintenir les jeunes dans leurs établissements. Les actions de prévention accordent une place centrale à la gestion et au suivi des absences.
La prévention du décrochage scolaire passe par une intervention à différentes échelles (élèves, classes, établissements, bassin de formation) :
- Le suivi individualisé des élèves regroupe les actions de suivi des absences par les CPE et assistants d'éducation (contrôle des entrées et sorties, suivi des absences en temps réel, relations étroites avec les familles) et le suivi des décrocheurs par le groupe de prévention du décrochage scolaire (GPDS), présent dans chaque lycée. L'objectif est d'éviter que les situations de décrochage ne conduisent à des ruptures de scolarité et que, le cas échéant, les élèves décrocheurs se retrouvent sans solutions en termes d'éducation, de formation ou d'emploi.
- Dans les classes, nombre d'enseignants considèrent de leur responsabilité d'anticiper les situations de démotivation des élèves, de rendre leurs enseignements plus attractifs et moins académiques, ou encore d'occuper la fonction de professeur principal, décisive pour la coordination du suivi des élèves en difficulté.
- Au niveau des établissements, différentes actions peuvent être engagées pour améliorer la scolarité des lycéens et renforcer l'attractivité des études : suivi quotidien de la scolarité des élèves par un quatuor référent (professeur principal, CPE, assistant d'éducation et proviseur) ; accompagnement personnalisé par les enseignants ; soutien scolaire par les assistants d'éducation ; sécurisation des espaces et pacification du climat scolaire (agents d'accueil, assistants d'éducation et CPE) ; organisation de projets interdisciplinaires innovants.
- À l'échelle du bassin de formation, l'objectif est de réduire l'orientation subie (massive chez les élèves de LP), et de favoriser les réorientations (actions journées portes ouvertes au sein des établissements, entretiens préalables aux inscriptions administratives, stages passerelles).
En CFA : éviter les résiliations de contrat
Dans le cas de l'apprentissage, la responsabilité de la formation repose sur l'employeur. Sont généralement considérés comme décrocheurs les jeunes qui résilient leur contrat sans en conclure un nouveau. Ces résiliations sont souvent liées à la qualité des relations entre apprentis et employeurs et aux conditions de travail. Dans les secteurs en tension, l'opportunité d'emploi peut aussi jouer contre le diplôme, le jeune préférant conclure un contrat de travail ordinaire quand il en a la possibilité.
Dans les CFA, l'encadrement institutionnel de la prévention du décrochage ne relève pas, à titre principal, du rectorat mais du conseil régional et les équipes péri-enseignement sont réduites.
- La priorité étant donnée à la prévention des résiliations « sans suite », les « développeurs » - en charge du démarchage des employeurs en vue de conclure des contrats d'apprentissage - sont en première ligne.
- Leur action préventive, alimentée par les visites d'entreprises et les données relatives aux résiliations, débouche sur le repérage d'entreprises susceptibles de concentrer davantage de ruptures contractuelles afin d'éviter d'y envoyer les jeunes.
- En la matière, un CFA rattaché à une branche professionnelle dispose de plus de ressources qu'un CFA interprofessionnel.
Au regard des récentes réformes de l'apprentissage (loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) et de l'enseignement professionnel (loi pour une École de la confiance), les auteurs dégagent des pistes en matière d'action publique. Ils soulignent le besoin de règles garantissant une formation en entreprise de qualité, de services d'accompagnement individualisés et enfin d'actions en faveur d'une orientation choisie.
Prévenir le décrochage : une comparaison entre lycées professionels et CFA
Christophe Guitton, Cathel Korning, Eric Verdier, Céreq Bref n°380, 2019, 4p.
Pour en savoir plus :
Les résultats présentés ici s'inscrivent dans le cadre de la recherche Territoires et décrochage scolaire (TEDS), financée par l'Agence nationale de la recherche (ANR). Elle a fait l'objet de nombreux autres articles, publiés notamment dans le dossier du numéro 144 de la revue Formation Emploi :