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La gestion des compétences ne se fera pas sans la technologie !

Par Jérôme Balducci, Expert des problématiques RH et de l'Intelligence Artificielle chez Whoz

Si la fin du siècle dernier nous a propulsés dans le " deuxième âge de la machine "1, il semblerait bien que les derniers développements technologiques nous aient fait franchir un cap supplémentaire. ChatGPT met le potentiel de l'IA à portée de tous, et, partant, relance un débat ancien : la machine va-t-elle finir par remplacer l'homme dans la sphère économique ?

Selon l'étude prospective récemment publiée par Goldman Sachs2, deux tiers des emplois pourraient être affectés par les progrès des Intelligences artificielles.

En réalité, ces chiffres abondamment relayés et commentés occultent le vrai problème. La crainte du chômage de masse ne se justifie que si la demande d'emplois excède l'offre. Or, la plupart des entreprises, tous secteurs confondus, font face à une grave pénurie de talents. Les progrès rapides de la technologie nous conduisent vers une économie du post-savoir, où les compétences deviennent l'équivalent d'une monnaie. Dès lors, la question n'est pas de savoir si les organisations peuvent s'emparer de la technologie sans dommage humain, mais bien comment en tirer le meilleur parti pour accompagner leurs collaborateurs et valoriser leurs compétences.

La compétence, une ressource qui se raréfie

Nous sommes nombreux à nous représenter le temps comme une flèche allant d'un point A vers un point B, et ne revenant jamais en arrière. Cette vision linéaire de l'Histoire nous amène à penser que la démographie mondiale, en hausse constante, devrait continuer indéfiniment dans la même dynamique. Or, selon la Global Challenges Foundation3, les taux de natalité ont chuté à tel point que la population mondiale pourrait retomber à 6 milliards d'individus en 2100, après avoir atteint son pic vers 2040. On constate déjà cette inflexion dans la population en âge de travailler : partout dans le monde, les entreprises peinent à recruter, et tout particulièrement la tech. On estime aujourd'hui que pour ce seul secteur, il manquera 85 millions de talents dans le monde d'ici 2030 !

L'écosystème a pris la mesure du problème et mis en place des dispositifs pour réduire, à terme, le décalage entre l'offre et la demande d'emplois. L'on pense notamment à Orange, qui a créé son propre CFA pour former et préparer aux nouveaux métiers du numérique. Ces dispositifs sont nécessaires et ont le mérite d'incarner une ambition de long terme. Mais à eux seuls, ils seront loin de suffire pour pallier la pénurie de talents. Pour rester dans la course, les entreprises vont devoir compter avec leurs compétences disponibles et les faire évoluer en continu pour rester en phase avec leur marché. Et pour cela, elles ne pourront se passer de la technologie.

Welcome in the new normal

En effet, non seulement la compétence se fait rare, mais elle devient de plus en plus complexe à gérer. Il n'y a pas si longtemps à l'échelle de l'Humanité, il nous fallait un siècle pour doubler notre connaissance du monde. Aujourd'hui, une douzaine d'heures suffisent. Concrètement, ce phénomène se traduit par l'émergence quotidienne de milliers d'expertises, mais aussi par la disparition de milliers d'autres. Rien d'étonnant, quand on sait que la plupart des métiers de 2030 restent à créer !

Les nouvelles technologies, qui ont précipité les entreprises dans le paradigme de l'accélération, peuvent aussi les aider à rester innovantes et maîtresses de leur destin. Tout d'abord en abolissant les frontières géographiques du recrutement, puis en accompagnant la transformation du travail lui-même : non plus organisé autour de la fiche de poste, mais du savoir-faire dans toutes ses dimensions ! En établissant des ontologies de compétences extrêmement fines, l'IA permet d'orienter un collaborateur vers des missions où il sera performant, dans n'importe quelle BU de son entreprise. Au-delà, il est également possible de détecter - et donc de corriger- les écarts entre les compétences actuelles des individus et les besoins du marché. En accumulant de l'expérience, le collaborateur renforce ses expertises et se forme en continu.

Gestion des compétences et responsabilité des entreprises

Les organisations ont tout à gagner à s'emparer de la technologie, tant techniquement que culturellement. Plus encore, elles ont la responsabilité de prendre ce tournant, et ce pour au moins deux raisons.

La première, c'est que dans un contexte de guerre des talents, elles ne peuvent dédaigner le moindre gain de productivité. Ce sont ces gains qui leur permettront de compenser le vieillissement de la population et d'investir dans l'innovation. Or, le capital humain représente le principal coût d'une organisation. Pénurie de talents ou talents mal employés ont un impact direct sur la rentabilité.

La seconde, c'est qu'elles doivent à leurs collaborateurs ce qu'elles leur promettent depuis au moins dix ans : la symétrie des attentions.  L'expérience employé ", devenu sacrée depuis le Covid, implique de mieux prendre en compte les individus, leur potentiel et leurs aspirations. Or, le développement des compétences est un élément clé pour l'employabilité du salarié et la progression de sa carrière ; à ce titre, il s'agit d'un levier de fidélisation majeur !

Aujourd'hui, la croissance a pour carburant la compétence, et comme moteur la technologie. Les outils existants sont à la portée de tous. Loin de déshumaniser le management, ils améliorent la compétitivité en renforçant le collectif. N'attendons pas la prochaine crise pour nous en saisir.


1 Andrew McAfee & Eric Brynjlfsson

2 The Potentially Large Effects of Artificial Intelligence on Economic Growth

3 Callegari B. & Stoknes P.E., People and Planet. Earth4All, March 2023

Jérôme Balducci, Expert des problématiques RH et de l'Intelligence Artificielle chez Whoz


De formation ingénieur en informatique, Jérôme Balducci débute sa carrière chez Capgemini où il évolue pendant huit années sur différents postes : software developer, chef de projet puis delivery manager.Il créé ensuite sa première startup dédiée à l’organisation de voyage entre amis. En 2016, il démarre l'aventure de Whoz qui propose une solution de staffing. Expert des problématiques RH et de l'Intelligence Artifcielle, il occupe aujourd'hui les fonctions de General Manager et de Chief Revenue Officer chez Whoz.

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