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Unanimement reconnues par les clients pour leur efficacité, souvent décriées par les livreurs ou les chauffeurs pour leur manque d’humanité, les plateformes numériques de services ne laissent pas indifférentes. Qu’il s’agisse des livreurs Déliveroo ou des chauffeurs Uber, des dizaines de milliers de personnes travaillent désormais pour ces entités en France. Dans le monde, ils sont des millions.

Il y a quelques jours, un séisme a ébranlé ce petit monde. L’Etat de Californie a adopté une loi obligeant les entreprises Uber et Lyft à traiter leurs chauffeurs non plus comme des indépendants, mais comme des employés . Il y a quelque chose de troublant dans cette décision. Non pas que l’on se soucie de la condition des chauffeurs, mais plutôt que l’on puisse se contenter de penser qu’il y aurait seulement deux voies possibles : d’un côté le salariat et la protection des chauffeurs, de l’autre le statu quo et leur exploitation à outrance. Car aucune de ces deux voies n’offre un futur satisfaisant.

La première – le salariat- n’est tout simplement pas adaptée à l’économie des services à la demande. Dans le transport de personnes par exemple, les variations de demande, de temps de trajet, sont tellement fortes et imprévisibles qu’organiser un planning de chauffeurs relève du cauchemar. Deux sociétés ont essayé ce modèle : Navendis et Voitures Jaunes. Aucune d’entre elles n’est encore en vie aujourd’hui.

La seconde option -le statu quo- n’est pas non plus envisageable. La décision de l’Etat de Californie est révélatrice d’un malaise plus profond qui touche les travailleurs œuvrant sur ces plateformes. Ce malaise tient au décalage entre le discours commercial vantant l’indépendance et la réalité. Comment en effet affirmer que les travailleurs des plateformes sont indépendants alors que par exemple ils subissent des baisses de rémunération décidées unilatéralement ? Tant que ce décalage ne sera pas réduit, le modèle actuel des plateformes sera attaqué et alimentera le fantasme d’une humanité gouvernée par les algorithmes.

Il est donc nécessaire qu’il y ait un rééquilibrage du rapport de forces entre les plateformes et leurs travailleurs. Ce rééquilibrage doit provenir des plateformes elles même et non du régulateur. En effet, ce serait courir le risque d’une réglementation soit constamment en retard d’un temps par rapport à des évolutions techniques beaucoup trop rapides, soit trop contraignante -par exemple salarier tous les chauffeurs.

Aux plateformes donc de se réinventer pour être à la hauteur des attentes de la société. La tâche est difficile mais pas impossible : il faut rendre aux travailleurs des plateformes leur indépendance, leur permettre d’opérer comme de vrais entrepreneurs mais sans pour autant dégrader la qualité et la compétitivité du service offert aux client. Pour cela, une seule solution : la plateforme doit se positionner non plus comme un intermédiaire opaque qui décide de tout, mais comme un facilitateur qui crée les conditions afin qu’offre et demande puissent se rencontrer.

Par Théodore Monzies
Co-fondateur de Eurecab, plateforme de réservations de VTC

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