83% des catégories de métiers en France requièrent moins de diplômes supérieurs qu’auparavant
Paris, le 28 novembre 2024 - Connaissez-vous le paradoxe d’Anderson ? Mis en évidence par le sociologue Charles Arnold Anderson, ce concept établit que l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui qu'a pu obtenir son père ne lui assure pas nécessairement une position sociale plus élevée. Un paradoxe qui semble n’avoir jamais aussi bien raisonné qu’aujourd’hui, à tel point qu’il est légitime de se demander si le diplôme revêt toujours une quelconque utilité en vue d’obtenir un poste.
En effet, si les tensions sur le marché du travail commencent à s’assouplir du point de vue des employeurs, avec le volume d’offres sur Indeed en baisse depuis début 2023, les difficultés de recrutement semblent néanmoins avoir laissé leurs traces dans les attitudes de recrutement. Dans ce contexte, dans quelle mesure la considération portée aux diplômes a-t-elle été impactée ? La dernière étude du Hiring Lab d’Indeed tente de répondre à cette question.
L’exigence du diplôme ne cesse de baisser depuis 2017… au profit de la compétence ?
Premier constat : quel que soit le niveau d’éducation, les offres d’emploi exigent moins souvent un diplôme qu’il y a sept ans, tandis que la proportion des annonces sans exigence de diplôme du tout ne cesse de croître.
- Par exemple, alors que 16,4 % des annonces demandaient au moins une Licence à la fin 2017, ce pourcentage a atteint 14,5 % en septembre 2024.
- Si ce changement peut encore être jugé comme faible, il s’agit néanmoins d’une baisse significative que l’on constate d’année en année, et semble être le résultat d’un lent désengagement des employeurs vis-à-vis des critères strictement académiques.
Cette évolution indique que les diplômes ne sont plus perçus comme le principal critère de qualification par certains employeurs.
- Depuis quelques années, on constate une transition de plus en plus forte vers ce que l’on appelle le « skills-first hiring », ou l’embauche basée sur les compétences.
- En plus d’améliorer la qualité de l’appariement entre candidats et employeurs, cette stratégie permet de réagir de manière plus flexible aux nombreux — et rapides — changements structurels du marché de l’emploi et de l’économie plus largement.
- De plus, elle promet d’être plus inclusive en diversifiant davantage les profils des candidats.
La réduction des exigences de diplôme, bien que graduelle, indique donc un déplacement continu vers des approches de recrutement plus inclusives, où les compétences et l’expérience pratique peuvent prendre plus de poids dans les processus d’embauche.
Pourquoi la majorité des offres d’emploi ne mentionne pas d’exigence en matière d’éducation
Une bonne partie — 61,7 % — des offres d’emploi depuis le début de l’année ne spécifie pas de critères de diplômes. Pourquoi ? D’une part, parce qu’un diplôme n’est souvent pas indispensable pour occuper certains postes; d’autre part, la nécessité d’un diplôme peut parfois être implicite, sans être explicitement mentionnée dans l’annonce.
En revanche, l’analyse des offres d’emploi mentionnant des diplômes peut s’avérer complexe, car les employeurs indiquent souvent plusieurs niveaux de qualification dans une même annonce. Les exigences multiples se manifestent fréquemment lorsque l’employeur exprime une préférence pour un niveau de diplôme (comme un master) tout en étant ouvert à un diplôme moins élevé (tel qu’une licence). Or, quand bien même, ces exigences s’avèrent en baisse :
- Ainsi, depuis le début de l’année 2024, en moyenne 14,5 % des offres sur Indeed exigeaient au moins une Licence, contre 16,5 % dans la même période 7 ans auparavant.
- De même pour les autres niveaux d’éducation : les offres demandant au moins un bac + 2 ont diminué de 3 points, et celles demandant au moins un niveau bac de 1,4 points. La diminution de la part des offres requérant au moins un CAP ou BP (anciennement BEP) était de 1,2 points et les offres mentionnant au moins un diplôme national du brevet (DNB) d’un point.
- En revanche, la part des offres ne mentionnant aucun diplôme a augmenté de 8,6 points.
La baisse des exigences à tous les niveaux, couplée à une hausse des offres d’emploi sans qualifications requises, suggère donc que les employeurs suppriment progressivement les diplômes des critères de sélection dans les annonces.
Les exigences de diplôme sont en baisse générale… mais des exceptions demeurent selon les secteurs !
Ce changement de politique de recrutement ne se décline pas dans toutes les familles de métiers : tout dépend des compétences requises ainsi que de la possibilité de les vérifier à travers des entretiens et tests d’embauche, la complexité des tâches, mais aussi du degré de réglementation des professions. En effet, dans les secteurs où la législation — et le sens commun — impose un certain niveau d’éducation pour pouvoir exercer un métier, il peut être difficile de mettre en œuvre une approche axée uniquement sur les compétences.
- Cela explique aussi la proportion élevée d’offres d’emploi qui ne demandent pas explicitement un diplôme, comme c’est le cas pour 58 % des offres en médecine publiés en 2024 : le niveau d’éducation requis est souvent sous-entendu.
- Quand bien même, les familles de métiers liées à la santé, très réglementées, se démarquent des autres par une augmentation des exigences en matière de diplômes universitaires. La pharmacie enregistre la plus forte hausse (+9,1 pts), suivie des soins infirmiers (+7,1 pts), de la thérapie et de l’accompagnement (+3,7 pts), de l’enseignement et de la formation (+4,1 pts), ainsi que de la médecine (+2,7 pts).
Autrement, l’exigence du diplôme est en chute libre partout ailleurs, puisque 83% des catégories de métiers recensées requièrent moins de diplômes de niveau Licence ou plus.
- Le domaine ayant connu la plus grande diminution en exigences de diplôme entre 2017 et 2024 est celui de l’assurance (-12,7 points).
- Parmi les autres catégories de métiers avec les plus fortes baisses, figurent le marketing (-6,9 pts), les ressources humaines (-6,5 pts), le développement de logiciels (-5,9 pts), ainsi que le service clients (-5,2 pts).
Ces domaines, qui partagent une forte orientation client, une utilisation accrue de la technologie et un besoin constant d’innovation, font partie intégrante de l’économie de la connaissance, ce qui les rend particulièrement susceptibles d’évoluer vers un recrutement axé sur les compétences.
La relative dévalorisation du diplôme sur le marché de l’emploi cache une évolution : la tendance vers un recrutement basé sur les compétences plutôt que sur les diplômes se développe en France. Avec les transformations économiques et la montée du numérique, de nombreuses entreprises réévaluent leurs critères d'embauche pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée.
La réforme de la formation professionnelle de 2019 appuie ce changement en favorisant le développement des compétences. Malgré cela, 58 % des 25-64 ans n'ont pas de diplôme supérieur, mais possèdent souvent des compétences clés comme la communication, l'adaptabilité et le leadership. Clarifier l'importance des diplômes dans les offres d'emploi et envisager des équivalences avec l'expérience et les compétences pourrait ainsi élargir le vivier de candidats et valoriser l'apprentissage tout au long de la vie.
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Méthodologie - Nous avons suivi les exigences en matière de formation en comptabilisant les offres d’emploi sur Indeed en France qui mentionnaient une ou plusieurs exigences en matière de diplôme ou de formation dans la description du poste jusqu’au 30 septembre 2024. Les données ne sont pas ajustées pour tenir compte de la saisonnalité, mais elles sont ajustées pour tenir compte des changements dans la composition des titres d’emploi en les pondérant en fonction de leur composition en 2023. Dans les cas où plusieurs exigences ont été mentionnées, la plus basse a été retenue (cela concerne environ 10 % des annonces).Le niveau CAP/BP comprend encore l’ancienne dénomination BEP, qui a été supprimée et remplacée par le BP: souvent, les offres d’emploi contiennent encore la mention du BEP.